1. Définition:

Les méthodes délibératives explorant les leviers de la cohésion sociale et s’adressant directement aux citoyens en les incluant dans le processus décisionnel par la consultation et la délibération, n’apparaissent pas dans la revue de la littérature académique sur la question. Les politologues et autres chercheurs en sciences-sociales, étudient et mesurent plutôt des actions participatives visibles, car « commandées par le haut », qui ciblent un public limité. De son côté, la méthode participative SPIRAL (Societal Progress Indicators for the Responsibility of All) du Conseil de l’Europe (CoE), se fonde sur la lutte contre les inégalités et l’exclusion, en cherchant à activer l’optimum économique et social dans nos sociétés. Cette méthode « par le bas » est unique en son genre, car elle propose de s’adresser directement à tous les citoyens et non à des groupes déjà constitués ou à des individus « types ». Elle vise également à développer des partenariats, pour constituer une « sphère publique locale ». La méthodologie délibérative SPIRAL du Conseil de l’Europe engendre ainsi la création de groupes homogènes de citoyens, par le biais de la consultation et de la discussion, sur les notions opposées du bien-être et du mal-être. Cette démarche, permet l’élaboration d’indicateurs, qui peuvent instaurer les conditions pour atteindre le chemin du progrès sociétal. La méthode délibérative SPIRAL, se fonde ainsi sur la définition du concept de coresponsabilité par les acteurs eux-mêmes, fabricants les indicateurs du bien-être dans une première phase consultative appelée « concertation ». Le processus consultatif se construit à l’aide de 7 étapes, qui remplissent les critères normatifs de la délibération (la rationalité, la réciprocité, l’impartialité et l’universalité). La méthodologie SPIRAL, tente également d’élaborer à l’aide de la délibération, de nouveaux instruments pour mesurer la cohésion sociale. Durant la démarche, lorsque l’on passe de la phase de concertation à l’action par l’amélioration des liens sociaux, l’étape d’opérationnalisation risque de demeurer floue et par conséquent inefficace. Ainsi, l’évaluation de la démocratie délibérative ne se limite pas à rechercher son ou ses effet(s) dans les politiques publiques. En élaborant un processus à travers les groupes de coordination, les groupes homogènes puis les groupes arc en ciel, la méthodologie SPIRAL permet de fabriquer une sphère publique locale, qui offre la possibilité de délibérer sur des problématiques actuelles, avec une possibilité de perdurer dans le temps. L’originalité de la méthode est qu’elle intègre et applique un concept évolutif : lorsque une amélioration est décelée dans la pratique (engendrant un effet multiplicateur), elle est reproduite et intégrée dans le schéma d’origine. La méthode doit ainsi pouvoir s’adapter aux changements. Les actions pilotes (plus de 1600 actions pour le « vivre ensemble » sont répertoriées à l’heure actuelle, rien que pour la Wallonie), définissent des projets cadres et sont évolutives en fonction d’une co-évaluation participative de l’impact. On peut ainsi présupposer un processus cyclique alimenté par les objectifs (cadres normatifs), les instruments (mettre en mouvement) et les cadres institutionnels (structure). SPIRAL se situe ainsi en amont des politiques publiques, pour anticiper les problèmes et inclure les citoyens à la sphère publique. Créant ainsi un cadre parallèle, cette méthode ingénieuse peut déceler des ressources et autres moyens d’action, pour « sortir des sentiers battus » de la fabrique de l’innovation sociale. L’institution intergouvernementale basée à Strasbourg, a ainsi orchestré des expériences de ce type à travers toute l’Europe et le monde (France, Belgique, Allemagne, Grèce, Italie, Pologne, Portugal, Roumanie, Fédération de Russie, Suède, de même que dans les îles du Cap-Vert et au Gabon pour l’Afrique et en Turquie pour l’Asie). Cette expérience internationale, vise à développer des territoires de coresponsabilité, transposables sur tout le continent, dans le but de créer une « société providence ». Cette nouvelle vision, où la responsabilité serait partagée entre tous les acteurs et pas seulement confiée à l’Etat, pourrait être une des réponses aux problèmes actuels d’exclusion et de hausse des inégalités.

2. Problèmes et buts:

Dans son ouvrage Qu’est-ce que l’intégration, Dominique Schnapper précise que l’Etat welfare est passé d’un système « assurantiel » (avant les chocs pétroliers des années 1970), à un système « assistantiel» et par conséquent stigmatisant. Cette position paternaliste, permettant de répondre aux faiblesses ciblées sans pour autant résoudre les problèmes de fond, doit évoluer car elle n’empêche ni les inégalités, ni les fractures sociales de croître. Au regard de la crise mondiale, force est de constater la tendance des sociétés post-industrielles, de se tourner plutôt vers « l’avarice sociale », méthode qui invite à restreindre les aides et autres subsides de l’Etat, pour ne pas perturber le marché du travail. Cette théorie, permettant de renouer avec ce que l’on appelait autrefois « l’utilitarisme » (concept développé en 1789 par le britannique Jeremy Bentham), souhaite démontrer que la société fait de son mieux pour le maximum de personnes (l’intérêt commun est la somme des intérêts particuliers) et qu’il faille accepter que le bonheur de tous n’est pas réalisable. Cette vision de la société s’oppose à celle de l’intérêt général, qui dépasse chaque individu et est en quelque sorte, au regard de la pensée éclairée du philosophe des Lumières Jean-Jacques Rousseau, « l’émanation de la volonté collective des citoyens ». La volonté générale doit cependant intégrer les intérêts particuliers, le rôle de l’Etat devant être celui de médiateur, capable de réaliser la synthèse émanant des membres de la société civile, englobant également les intérêts des générations futures. Considérant la cohésion sociale recherchée par l’intérêt général comme étant le but ultime de l’Etat, on peut ainsi qualifier l’Etat « d’architecte du social ». Mais l’instrumentalisation des politiques publiques, empêchent en partie la machine étatique et les décideurs publics comme privés de « penser » la cohésion sociale. Robert Putnam, travaillant sur la notion de capital social (Bowling Alone : The Collapse and Revival of American Community, New York, 2000), décrit même un « affaiblissement des structures de sociabilité et les formes d’un repli individualiste, qui entraînent un déclin de confiance entre les individus et envers les institutions ». Parallèlement, les acteurs politiques sont souvent en manque d’informations précises, sérieuses, organisées, structurées et même utilisables, sur les réalités de la vie quotidienne. Pour créer de la cohésion sociale, la production de règles (ou régulation), viendrait compléter l’effort d’intégration des individus. En d’autres termes, les individus « s’incluent », plutôt que « s’intègrent » dans la « chose publique », à la fois en usant et en créant des normes sociales. C’est pourquoi, je propose à travers cet article, de rechercher l’inclusion des citoyens à travers leur participation dans la société, en forgeant les outils de la démocratie délibérative avec les fondamentaux de la cohésion sociale, lui conférant par là même, des mécanismes pour son opérationnalisation. Par ailleurs la délibération, qui ne se limite pas à une simple consultation des citoyens, doit viser la création de liens sociaux pour être efficace. En privilégiant la méthode délibérative, l’Etat permettrait aux citoyens, qui après avoir discutés et dégagés un consensus, d’élaborer leurs propres indicateurs pour participer à la politique, évitant ainsi l’instrumentalisation et la manipulation. La méthode délibérative SPIRAL du CoE, engage les citoyens qui peuvent participer à tous les cycles de progrès, permettant à partir d’échanges de point de vue, en recherchant un consensus, de produire des actions sociales pour soi et pour les autres, modifiant par là même leur attitude, leur engagement et permettant ainsi l’inclusion. Ce paradigme, serait le fondement d’une nouvelle communauté, visible à travers une sphère publique locale. Toutes les raisons que nous venons d’évoquer (refonte du partenariat Etat-société-économie, recherche de l’intérêt général, meilleure information, légitimité de l’action, participation de tous, confiance, changements dans l’attitude, l’engagement et l’inclusion), serviraient à convaincre les décideurs de compléter leur approche verticale de la cohésion sociale, par une approche visant des liens microsociaux horizontaux, entre les acteurs d’un territoire. Nous pouvons ainsi construire notre réflexion autour de la problématique suivante : La méthode délibérative, est-elle adaptée pour renforcer la cohésion sociale au niveau local et régional ?

3. Histoire.

Considérant que « les définitions de la notion de cohésion sociale mettent en jeu les représentations qu’une société se fait d’elle-même » (Guibet Lafaye 2011), force est de constater que la mondialisation et ses conséquences économiques et sociales ont modifié la structure de base de l’Etat et la vision du rapport des sociétés à la cohésion sociale. Au regard du tableau très sombre de l’architecture sociale actuelle, nous devons plus que jamais démontrer que l’intérêt du marché et plus généralement de l’économie, ne s’oppose pas à la protection des plus pauvres et des plus fragiles. C’est pourquoi, l’intégration ne doit pas se confronter d’une manière primaire aux formes d’exclusions ou autres formes de stigmatisation, mais rechercher une solidarité coresponsable en reconnaissant, à l’instar de la vision véhiculée par le CoE, que tout citoyen peut apporter sa contribution (quelle qu’elle soit) à la société, à travers des débats ou par une délibération organisée.

L’objectif de la solidarité coresponsable, serait de construire des ponts pour faire correspondre la notion de la cohésion sociale au concept, permettant ainsi une soutenabilité dans le temps. C’est pourquoi, les méthodes de démocratie participative, semblent pouvoir inspirer un engagement fort au citoyen, qui peut fabriquer du lien social, tout en nourrissant un sentiment de confiance. A ce stade, nous pourrions proposer une approche à travers celle de la « cohésion sociale durable », qui se définirait comme « la capacité intrinsèque d’une société démocratique à partager le pouvoir, intégrant les générations actuelles et futures ; la recherche de l’inclusion de tous à travers une participation active, permettant de fabriquer des liens d’appartenance durable et de déterrer de nouvelles ressources ». C’est pourquoi, les politiques sociales doivent plus que jamais inclure tous les citoyens (ceux qui participent, ceux qui s’engagent, mais aussi les catégories fragiles, les marginaux), sans les stigmatiser. Cette réponse peut correspondre au mouvement institutionnel actuel à savoir, celui qui vise à activer un plus grand pouvoir de participation et de décision « par le bas ». La démocratie délibérative comme nous l’entendons aujourd’hui, a été élaborée à l’aide d’une approche socio-historique, par le philosophe allemand Jürgen Habermas et le sociologue-historien américain Robert Sennet. Tous deux défendent l’idée que « les démocraties du XXème s. doivent être érigées sur un espace public véritable et critique ». Ces derniers expliquent la faiblesse du modèle démocratique dans nos sociétés actuelles, par la décadence de ce même “espace public“ et ce, dès le XIXème s, au moment des révolutions industrielles. La transformation de la société, engendrant le déclin des valeurs familiales et le développement de la culture de masse, entraînerait de la sorte l’incapacité des individus à développer un esprit critique. Ce paradigme, appelé par Habermas le « fétichisme de la communauté », déverrouille un mécanisme qui fait que progressivement, les individus se retrouvent déconnectés de la sphère publique. Les outils de ce mécanisme, qui forment alors le rouage de l’Etat capitaliste et industriel des XIXème et XXème siècles, passent par la bureaucratisation et la sélection par l’Etat même, de ses interlocuteurs (ce que l’on nomme aujourd’hui les corps intermédiaires). Ainsi, la démocratie délibérative (lorsque la sphère étatique est séparée de celle des citoyens), s’exerce à travers la participation active des individus, qui constituent une « opinion publique critique ». La mobilisation et l’appropriation des questions par cette nouvelle sphère publique, s’élaborent à l’aide du fameux Principe de Discussion (dit « Principe D »), systématisé par le philosophe de l’école de Francfort : «Selon l’éthique de la discussion, une norme ne peut prétendre à la validité que si toutes les personnes qui peuvent être concernées sont d’accord (ou pourraient l’être) en tant que participants à une discussion pratique sur la validité de cette norme». La délibération, est ainsi perçue comme le résultat d’accords pris ensemble, tout en laissant une possibilité d’ouverture pour l’avenir. Le groupe de délibération constitué, peut résoudre des problèmes transversaux d’aujourd’hui mais aussi de demain et répondre aux critères de la cohésion sociale durable, que nous cherchons à forger. Ce système semble créer de la confiance, essentielle pour développer l’optimum économique et social. Il a été instrumentalisé par la classe politique à travers la notion du « win-win » (gagnant-gagnant) et utilisé pour élaborer de nouveaux dispositifs de politiques publiques. Notre démarche est d’intégrer la délibération dans un processus de modification de la nature même de la démocratie, appelé par Loïc Blondiaux le « nouvel esprit de la démocratie », voire même « un changement de paradigme dans la manière de faire de la politique », selon Yves Sintomer et Julien Talpin.

4. Sélection des participants.

SPIRAL « propose un cadre, des procédures et des outils qui permettent de rendre aux citoyens et aux acteurs d’un territoire le pouvoir de qualifier le bien-être dans leur espace de vie, d’en mesurer les contours, de définir sur cette base les stratégies d’actions et de soutenir la mise en œuvre des plans d’actions locaux » (Working Paper de l’IWEPS n°10). C’est pourquoi, la démarche doit s’effectuer « par le bas » : ce sont les citoyens responsables et organisés, qui sollicitent l’institution qui à son tour, fournit les outils. Ces instruments s’intègrent dans trois ensembles : - Transmettre les tendances de la cohésion sociale (conférences, réflexions sur le sujet). - Elaborer des indicateurs appropriés. - Proposer une méthode de démocratie délibérative qui permet d'échafauder des projets. Ces dispositifs sont financés conjointement par l’Union européenne et le Conseil de l’Europe, qui a la charge d’implémenter l’ensemble. Ce partenariat entre les institutions européennes, a permis d’élaborer des indicateurs qui peuvent tous être mesurés par les Etats, se situant dans la volonté générale de sonder le bien-être de tous, une notion à la fois très étendue et très personnelle. L’originalité de la démarche est d’intégrer trois niveaux de mesure, partant du plus général pour aller vers le particulier (les capacités sociétales, les domaines de vie et les groupes vulnérables). Son objectif est bien de s’adresser à l’ensemble des individus et de rendre autant visible les catégories sociales fragiles (recherchant la justice sociale), que les tendances de la société ou encore les actions publiques. Ces trois « niveaux d’intégration », qui ont été élaborés directement par les participants, permettent de fournir des critères pour l’opérationnalisation de la cohésion sociale. Cette originalité ne pourrait-elle pas entraîner des problèmes de fond ? « Partant du bas », la méthode SPIRAL risquerait de se heurter à une contradiction majeure, se situant entre la recherche de l’intérêt général (définit dans sa méthodologie) et la défense des intérêts particuliers (qui pourrait s’élaborer dans les groupes homogènes qui par nature, défendent leur condition) ? En effet, les citoyens à travers cette interprétation de la délibération, peuvent être amenés à privilégier leurs problèmes personnels (usage des lieux publics, problèmes liés au quartier d’habitation, à la nature du groupe homogène), plutôt que la recherche de l’intérêt général (société coresponsable), même à travers le concept universel du « bien-être pour tous dans la durée ». Ce facteur limitant, nous laisse présupposer que la transposition de la méthodologie à une strate supérieure (régionale, nationale, continentale voire mondiale), semble compliquée mais ne doit pas, à l’instar de Joseph Schumpeter dans son ouvrage Capitalisme, socialisme et démocratie paru en 1967, qui considérait les citoyens « ordinaires » comme étant intellectuellement limités aux questions locales, s’avérer impossible. L’étude empirique de plusieurs communes de la région wallonne, qui appliquent cette méthode depuis quelques temps, nous permettra peut-être de confirmer ou d’infirmer les critères normatifs pour l’opérationnalisation de la délibération (attitude, engagement et inclusion). L’art.23 de la Constitution de 1994 de l’Etat fédéral de Belgique, précise « l’accès de tous aux droits fondamentaux ». En se référant à l’indicateur de risque fabriqué par l’ Institut Wallon de l'évaluation de la prospective et de la statistique (IWEPS), on constate que « par rapport à la moyenne belge, une plus grande partie de la population wallonne est exposée aux risques de pauvreté ». Par ailleurs, l’approche macro-sociale qui vise à défendre les droits économiques, sociaux et culturels en Belgique est par nature incomplète, car comme nous l’avons démontré précédemment, vouloir appliquer « par le haut » les droits fondamentaux, ne suffit pas à rendre effective la cohésion sociale. Le « vivre ensemble », doit se compléter par la création de liens interrelationnels horizontaux. C’est pourquoi, dans le cadre de la « lutte contre la pauvreté et les inégalités », le gouvernement wallon avait créé en 1992 la Direction interdépartementale de la Cohésion sociale (DiCS), qui a depuis développé une démarche coordonnée tant au niveau horizontal (lien local), qu’au niveau vertical (lien régional). Cette approche, visant à défendre les droits fondamentaux de tous les citoyens wallons, est devenue effective et efficace à travers le Plan de prévention de proximité (2003-2008), auquel succèdera le Plan de cohésion sociale (PCS), d’une durée de 5 ans pour le premier volet qui se termine cette année. Dispositif d’émancipation sociale, il s’inspire du concept de cohésion sociale du Conseil de l’Europe (capacité d’une société à promouvoir le bien-être de tous). La méthode originale SPIRAL appliquée en Wallonie, est un outil utilisé par le Plan de cohésion sociale, qui permet de coordonner et de développer tout un ensemble d’initiatives au sein des communes, pour que chaque personne puisse vivre dignement en référence aux droits fondamentaux belges, créant par la même un « territoire de coresponsabilité ». Le premier PCS arrivant à son terme en 2013, le nouveau Plan de cohésion sociale en construction pour la période 2013-2019, recense actuellement 195 communes wallonnes de langue française, ayant répondu favorablement à l’appel de candidature lancé par la DiCS en début d’année. Ce processus dynamique, qui intéresse les communes de la région, se fonde sur un contrat entre les institutions privées, publiques et les individus, formalisé par une Convention de partenariat. Nous porterons une attention particulière aux 14 communes pilotes ayant participé au projet délibératif « Elaboration concertée des indicateurs de bien-être en Wallonie », orchestré par l’IWEPS et le CoE. Ce projet nous permettra de confronter la méthode SPIRAL aux critères normatifs de la délibération pour son opérationnalisation, qui cherche à activer la cohésion sociale au niveau local et régional. Notre approche se constituera d’une vision critique de SPIRAL, cherchant à vérifier : • D’une part, si la délibération permet de créer des liens sociaux. • D’autre part, si ces liens sont dynamiques, à travers les différents « niveaux » de cohésion sociale que nous avons définis précédemment.

5. Délibération, décisions et interaction publique.

Après avoir répertorié 100 groupes homogènes issus de 14 groupes de coordination (ou commission d’accompagnement) et archivés sur le site wikispiral.org, on peut réaliser une classification, à l’aide du nom qu’ils se sont attribués ; il est utile de rappeler que la nature des groupes de délibération, se constituent d’une manière totalement libre sur le territoire à l’aide d’une démarche « par le bas ». Ainsi, ces groupes homogènes peuvent être réparti en fonction des trois niveaux de cohésion sociale définis par le CoE pour une société inclusive : - « Les groupes vulnérables », définis dans le guide méthodologique de 2005 du CoE comme étant : les « minorités », les « migrants », les « enfants », les « personnes âgées », les « personnes handicapées », les « femmes ». - « Les domaines de vie » indiqués par « l’emploi et les activités », « le revenu et pouvoir d’achat, » « le logement et cadre de vie », « la santé », « la nutrition », « l’éducation », « l’information », « la culture ». - La base, formée par « les capacités sociétales », marque la tendance pour : « assurer l’équité (droits fondamentaux) », « assurer la dignité et la reconnaissance de la diversité », « l’autonomie et le développement personnel », « la participation et l’engagement ». Confrontons les 100 groupes homogènes de Wallonie, en fonction des trois niveaux de la cohésion sociale : Les groupes représentant les « capacités sociétales » sont les moins nombreux (15%). Les « groupes vulnérables », représentent quant à eux 23% de l’ensemble et les « domaines de vie », sont les groupes homogènes les plus représentés avec 55%. Les résultats nous permettent de constater une surreprésentation des groupes liés par « domaines de vie », que l’on peut qualifier de « catégorie la plus individuelle ». De par cette typologie, nous pouvons confirmer que pour l’ensemble des 14 communes pilotes, la constitution d’un « espace public local » est effectif : les trois sphères de la cohésion sociale sont ainsi représentés. On constate néanmoins une tendance à la reproduction du schéma sociétal individualiste à travers la répartition des groupes, qui démontre une prédisposition à vouloir délibérer sur la sphère privée (rapport à la société, domaines de vie). Néanmoins, l’activation d’une sphère publique au niveau local, permet déjà de relayer les revendications des acteurs de la communauté, qui s’inscrivent dans leur rapport à l’Etat, la société ou l’économie. Les participants devraient alors pouvoir fabriquer de la cohésion sociale, en usant et en créant de nouvelles normes sociales. Partant de ce constat, nous allons tester la méthode au regard des critères pour son opérationnalisation. Pour être légitime, la délibération doit à tout prix rechercher l’intérêt général, pouvant s’appuyer sur des intérêts individuels et/ou communautaires, qui doivent cependant demeurer minoritaires. La délibération fonctionne, quand elle permet d’activer une nouvelle sphère publique, entretenant un partenariat entre l’Etat, l’économie et la société. C’est pourquoi, la recherche de l’intérêt général de même que l’inclusion de tous (générations futures comprises), sont les deux concepts fondamentaux, pouvant rendre la délibération effective et génératrice de liens sociaux, dans une « société providence » qui structure la « démocratie forte ». Au regard de ces informations, émettons l’hypothèse que la délibération SPIRAL permet de dégager une attitude qui viserait l’intérêt général, concédant alors un engagement au sein de la communauté et permettant d’atteindre une inclusion au niveau du territoire local, voire même régional.

- Les liens personnels : l’attitude. L’attitude dans la participation, touche ainsi les liens personnels et la sphère intime : nous appellerons ceci le 1er niveau de cohésion sociale. L’attitude du participant doit contribuer à définir les critères du « citoyen vertueux », qui engage des normes, des valeurs, des initiatives, des souhaits, dans la société qu’il observe et qu’il rêve. Testons cette théorie au regard du premier niveau de cohésion sociale, qui se retrouve dans la famille n°8 de la nomenclature SPIRAL, représentant 16% de l’ensemble des 16.000 critères du bien-être élaborés à travers les 14 communes pilotes (Les indicateurs sont construits à partir des expressions de bien-être et de mal-être recueillies auprès des citoyens, rassemblées et structurées au sein d’une nomenclature organisée en huit familles : 1) les moyens de vie ; 2) le cadre de vie et environnement ; 3) les relations avec les institutions (publiques et privées) ; 4) les relations personnelles ; 5) les équilibres sociétaux ; 6) les équilibres personnels ; 7) les sentiments de bien/mal-être ; 8/ les valeurs / attitudes et les initiatives / engagements). Ces critères, que nous pouvons retrouvés sur le site du CoE wikispiral.org, nous permettent d’étudier la fréquence des indicateurs liés à l’attitude du « citoyen vertueux ». Dans un premier temps, ces indicateurs vont être classés en fonction de leurs objectifs, visant soit des intérêts particuliers, ou alors l’intérêt général. Cette approche est fondamentale pour tenter de déterminer la légitimité et la cohérence de la démarche SPIRAL, qui se définit comme étant coresponsable. Les critères ne relèvent pas tous d’un même « niveau d’efficacité », pour fabriquer des liens sociaux. Ainsi, l’attitude la plus individuelle comme, « le travail sur soi/ respect de soi », (Exemple de critères exprimés : « prendre le temps de s’écouter, apprendre à se connaître et se respecter, ne pas placer la barre trop haut, relativiser certains problèmes »), de même que les « activités et initiatives privées », (Exemple de critères exprimés : se donner des moyens, me lancer dans de nouveaux projets, réserver du temps pour ma famille et pour moi, se rééduquer, utiliser mon expérience, mon savoir-faire »), permettent de créer un terrain propice à la cohésion sociale, mais s’inscrivent dans une démarche « individualiste » de recherche du bien-être pour soi, ou éventuellement pour sa famille et ses proches. A l’inverse, en observant le critère H07, « dynamique, volonté collective », (Exemple de critères exprimés : « rester solidaire pour maintenir des acquis, investir dans les nouvelles technologies, penser aux générations futures du point de vue environnemental, penser au développement durable »), on constate alors un niveau de coresponsabilité, de durabilité, et de solidarité optimal, visant l’intérêt général. Ces exemples, placés aux « antipodes » (H01 et H07), sont révélateurs de l’attitude visant à rechercher le bien-être pour soi et le bien-être pour tous. La fréquence des critères de la famille H, exprimée par catégorie (H01 à H07), pourrait nous permettre de dégager une dominante voire même une déclinaison de l’attitude, pour évaluer son aspect qualitatif. A l’aide du moteur de recherche fourni par le site wikispiral.org, nous avons relevé et classifié au total 2491 critères, à propos de la démarche sur le bien-être, émanant des 13 groupes de coordination de Wallonie (les indicateurs élaborés par le groupe de coordination de Braine l’Alleud ne sont pas encore disponibles). Nous pouvons désormais engager, parmi les 7 indicateurs figurant dans la famille H (valeurs / attitudes et les initiatives / engagements), 642 critères qui établissent une attitude visant le bien-être personnel et par conséquent des intérêts particuliers (H01-H02) et 1849 (H03-H04-HO5-HO6-H07) qui visent l’intérêt général, au regard d’une attitude vertueuse sur le bien-être de tous. On constate que la recherche du bien commun par les participants, est une tendance largement majoritaire avec environ ¾ des critères se rangeant dans cette catégorie. Cette information permet de dégager le caractère « universel » de l’attitude des participants, qui recherchent l’intérêt général, permettant de légitimer la démarche.

- Les liens communautaires : participation par l’engagement. L’engagement sur le terrain active des liens communautaires et le 2e niveau de cohésion sociale. Ce niveau permet aux participants de se confronter au « temps de la démocratie » et autres problématiques des partenaires de notre « nouvelle sphère publique locale ». On peut supposer que ce 2e niveau de cohésion sociale créera des liens entre les différents partenaires et acteurs du territoire coresponsable à travers les groupes arc-en-ciel, que nous analyserons au travers des effets leviers et multiplicateurs recherchés. Adrien Fiévet, chef du PCS de Liège, nous mets en garde lors d’un entretien téléphonique, au regard de son expérience sur le terrain, du possible désintéressement des citoyens après la première phase de cohésion sociale : « Il faut faire attention avec cette démarche : les citoyens disent on me donne la parole, j’ai relevé le problème et vous (la municipalité) ne faites rien. Ce n’est pas de la démocratie délibérative : on relève le problème dans le quartier, on active le principe de coresponsabilité, de participation et de crédibilité des actions en mettant les gens autour de la table. Les solutions passent par une action commune y compris avec les autorités communales. Trouver une réponse collective à un problème local. Tout ce processus se construit et prend des mois : il faut sensibiliser les individus. C’est un travail compliqué qui demande de l’expérience, une bonne connaissance des gens. Il faut trouver les bons relais dans la population. Le temps de la démocratie n’est pas connu par la population : c’est une procédure très longue (la création d’un passage piéton nécessite d’importantes démarches qui consistent à contacter le service de l’urbanisme, le conseil communal, dans le cadre des réglementations en vigueur et peut parfois prendre 6 mois) ». Le citoyen, après avoir dégagé une attitude propice à créer du lien social, doit alors se confronter à l’engagement, pour faire correspondre sa parole à ses actes et ainsi tester l’application de ses idées. Cette phase, peut ainsi s’opérationnaliser à travers des actions types, créant des liens entre les personnes, mais aussi avec l’Etat et le monde économique. Les critères de pluralité des groupes qui s’engagent (effets leviers), de même que l’impact externe des actions (effets multiplicateurs), établis par le monde académique et souhaités par le CoE, sont les critères normatifs, pour que cette phase soit effective en terme de création du lien social communautaire. •Les effets leviers et leurs limites : activer le partenariat. A travers l’engagement des participants-délibérants, les liens entre le social et l’économie sont mis à l’épreuve et permettent d’activer « l’effet levier ». Pour Samuel Thirion, de la division de la cohésion sociale du CoE : « C’est clair que lorsque l’on parle de cohésion sociale on a un impact sur l’économie. On ne peut pas séparer le social et l’économie. C’est le cas quand on améliore la situation d’une personne en phase d’exclusion, qui a perdu sa place dans la société, qu’on lui retrouve une place soit par une activité non-rémunérée ou un emploi. (…) Une approche de coresponsabilité permet de toucher des ressources qui dans une approche de marché classique ne sont pas « touchables », car ceux qui les ont ne les mettent pas à disposition, parce que on les utilise que pour une seule chose. Par exemple le covoiturage, le taxi social, l’utilisation des espaces libres pour en faire des jardins partagés, la récupération de tous les surplus agricoles jetés à la poubelle pour les redistribuer, la récupération des médicaments (en Grèce existe une pharmacie sociale qui récupère les médicaments chez les gens) ». L’effet levier, permet ainsi de dégager de nouvelles ressources qui étaient alors insoupçonnables, grâce à l’engagement des différents groupes de citoyens qui trouvent des solutions, en utilisant leur complémentarité. Cette phase, peut permettre de créer des liens sociaux, entre des groupes qui ne se seraient peut-être jamais rencontrés et déterre de nouvelles ressources, qui peuvent se trouver en dehors des circuits économiques et sociaux classiques. Les ressources dégagées, doivent cependant être utilisées à bon escient, à l’aide d’indicateurs précis et complémentaires : « Il importe de ne pas confondre la population et le territoire. La concentration de moyens sur les territoires de faible niveau socio-économique peut bénéficier très inégalement aux différentes catégories de population qu’opposent souvent des intérêts contradictoires. A défaut de régulations adéquates du marché du logement, l’utilisation de ces moyens pour améliorer les espaces publics et le bâti peut conduire à des hausses de prix et compromettre le maintien sur place des habitants socio-économiquement les plus fragiles, ou induire une dégradation de leurs conditions de vie en termes de logement ou de sociabilité. Or de telles stratégies, axées sur les partenariats public-privé, et sans contrainte quant aux destinataires des logements produits, tendent à prendre le pas en Wallonie sur les anciennes approches endogènes intégrées » (Diagnostic territorial de la Wallonie 2010, p.42). Les limites des effets leviers, sont ainsi clairement exposées à travers cet exemple. Pour ne pas s’éloigner de l’intérêt général (bien être de tous), les actions doivent continuellement adopter une démarche inclusive et de ce fait, intégrer les conséquences éventuelles des actions, à l’encontre des catégories sociales fragiles, en fonction du territoire. Rappelons que ce que l’on mesure, c’est que l’on cherche à atteindre. •Les effets multiplicateurs. L’ensemble des actions a été répertorié dans le Rapport de la DiCS de 2010, relevant « 140 plans de cohésion sociale qui regroupent plus de 1600 actions au travers de quatre axes ». Ces actions, sont ainsi directement liées au plan de cohésion sociale, mais la nature des liens entre les délibérations au sein des groupes homogènes et les concrétisations sur le terrain en terme de cohésion sociale, sont très difficiles à établir. Les effets leviers et multiplicateurs, ne visent pas un processus linéaire jugé réducteur, qui a tout de même l’avantage d’être visible et plus facilement mesurable (approche choisie par les politiques publiques). La démarche SPIRAL (la bien nommée), cherche à inspirer de nouvelles actions, à l’aide d’innovations sociales déjà existantes. Notons une progression notable des actions de l’Axe 1, touchant les « aides à la recherche de l’emploi » (environ +22%) et la « réinsertion socioprofessionnelle » (environ +28%). Les trois autres axes ne relèvent pas de progrès significatifs. Nous pouvons préciser qu’un rapport pour 2013, doit être bientôt rendu public et marquera un nouveau bilan pour le premier cycle complet des PCS. Cette mesure régulière est indispensable, car comme nous l’avons démontré précédemment, elle doit permettre d’évaluer les impacts et vérifier si ces démarches, sont belles et bien inclusives.

- Les liens d’un territoire coresponsable : l’inclusion. « A toute échelle, une faible hétérogénéité territoriale peut toujours coexister avec de fortes inégalités sociales à une échelle plus fine. La réduction des écarts entre les niveaux socio-économiques des territoires ne peut donc être confondue avec la réduction des inégalités sociales » (Diagnostic territorial de la Wallonie 2010, p.40). L’inclusion est le dernier niveau de cohésion sociale. Cette étape cherche à positionner des actions directrices (minimiser les inégalités, éviter la polarisation, coresponsabilité des acteurs), pour toucher tous les individus et viser ainsi ce que l’on nomme l’inclusion. Ce niveau met en avant les difficultés particulières qui diffèrent selon l’espace territorial concerné (urbain, semi-rural, rural) en faisant se rencontrer tous les acteurs de la sphère publique ou du moins leurs représentants connus. La rencontre Responding Together financée conjointement par le CoE et l’UE qui s’est tenue à Namur au début de l’année 2013, s’est donnée pour objectif de faire connaître à tous les principaux représentants des PCS de Wallonie, les actions sur le terrain permettant de redéfinir les critères d’inclusion. Trois actions « symboles » peuvent être utilisées, pour rendre explicite l’inclusion qui place le 3e niveau de la cohésion sociale :

•L’action pour le logement dans l’espace urbain dense. •L’espace semi-rural et le projet « Jardin solidaire ». •L’espace rural isolé incluant peu de services publics et l’initiative du « Taxi social ».

Finalement, l’inclusion n’est pas uniquement conditionnée par des ressources économiques, même si ces dernières jouent un rôle majeur. Dans cette dernière étape, le citoyen participe à la vie de la communauté. Il faut tout de même rester vigilant quant à la reproduction et la pérennité de la démarche, surtout dans un contexte de plus en plus difficile : « Les catégories sociales les plus précarisées tendent à rester sous-représentées dans les mécanismes participatifs. Le développement territorial est un des domaines où la participation citoyenne est traditionnellement sollicitée. Selon la charte de Leipzig, «l’échelle du quartier est celle permettant l’implication la plus importante des habitants ». Toutefois les structures de participation institutionnalisées (enquêtes publiques, réunions, commissions locales, etc.) sont en fréquent décalage avec la culture des groupes les plus faibles » (Diagnostic teritorial de la Wallonie 2010, p.44). Au regard de ces nouvelles fabriques de l’innovation sociale, on constate que la délibération engendre toujours la création de normes (« Règles pour la colocation », « charte pour les jardins partagés », « règlement établissant un niveau de priorité pour le taxi social ») sans quoi, l’action ne peut perdurer. Ainsi, la délibération créant des liens sociaux semble fonctionner au niveau local voire régional, mais doit être intégrée dans une dimension plus large (un nouvel esprit de la démocratie), pour toucher plus de personnes et permettre un « effet retour ». Les participants des groupes de délibération, en cherchant l’inclusion et en utilisant leurs différences comme une force, ont intégré une attitude qui les a affecté dans leur rapport aux autres. Ce triptyque, confère aux citoyens une opportunité d’influencer les politiques et de récupérer du pouvoir dans le processus décisionnel.

6. Influence, résultats et effets.

Le diagnostique de cohésion sociale, est un dispositif du PCS ayant coordonné la concertation des acteurs locaux. Florence Gesnot, travaillant pour la cellule en charge de l’évaluation du PCS à la DiCS de Wallonie, s’exprime sur le projet lors d’un entretien téléphonique daté de mai 2013 : « C’est une évaluation multiple et non une évaluation type statistiques. L’Université de Liège, est chargée d’évaluer le PCS d’une manière globale ; le CoE, est chargé de réaliser une évaluation de l’impact du PCS. L’évaluation se fait à travers une méthode de co-évaluation participative à l’aide de réalisation de tables rondes entre bénéficiaires (les citoyens) et partenaires (services associatifs, chefs de projets), d’une même action au sein des PCS locaux (…) A ce stade de l’évaluation, 63% des chefs de projet estiment que la situation {en terme de bien-être} a fortement évolué dans la commune ». Le diagnostique de cohésion sociale réalisé par les acteurs locaux, recense les initiatives publiques et privées déjà mises en œuvre sur le territoire communal, les attentes de la population et les manques à satisfaire, au regard des objectifs du plan. Rappelons que la nouvelle stratégie du CoE en terme de cohésion sociale élaboré en 2010, vise la « justice sociale », la « sécurité démocratique » et le « développement durable ». C’est pourquoi, toute démocratie doit tendre vers un équilibre entre l’optimum économique et social. Cet équilibre (ou justice sociale), est possible en recherchant l’application de la cohésion sociale, qui se pratique au plus près de la population c’est-à-dire au niveau local ; visant à développer des liens sociaux, pour combattre l’anomie sociale et l’insécurité, très présentes dans nos sociétés post-industrielles. La participation, à travers la consultation et la délibération active des citoyens, permet de développer des qualités ciblées à travers l’attitude, l’engagement et l’inclusion et combattent l’individualisme. Ce nouvel état d’esprit, permet d’amasser un capital social : les performances de la société, en terme de sécurité sont alors améliorées et la confiance, plateforme communicationnelle (ou Hub) de toute action, peut se développer. Cette confiance retrouvée, doit alors viser ce que l’on désigne comme l’intérêt général, ligne directrice pour atteindre le développement durable, qui fixe une prochaine spirale, intégrant un nouvel équilibre entre l’optimum économique, social et cette fois-ci environnemental. Ce processus, pourrait ainsi nourrir nos régimes fondés sur la « démocratie représentative », réduisant ses effets négatifs pour relativiser, ce qu’Aristote, en dissertant sur la Politeia (notion liant la citoyenneté au mode d’organisation de la cité-Etat ou Polis), désignait comme étant « le moins mauvais des mauvais régimes ».

7. Analyse et critique.

Le capital social, qui synthétise la solidarité coresponsable englobe trois niveaux : les individus, au sens affectif et pragmatique, l’Etat, au sens durkheimien du terme et enfin celui de la communauté durable, qui consiste à redéfinir une véritable architecture sociale et inclusive. Le développement durable, recherchant un équilibre dans l’écoumène (que l’on peut définir comme « l’ensemble des terres habitées par l’Homme »), semble pouvoir constituer la base du projet, permettant d’atteindre des valeurs universelles. Pour dégager un consensus et légitimer ses actions, la communauté durable doit ainsi utiliser l’outil délibératif, qui semble être un instrument pouvant créer du lien social. Ainsi, pour que ce processus ne demeure pas à la marge des actions publiques, il est nécessaire d’intégrer les procédures pour le « vivre ensemble » à la réalité du terrain. Ce projet, pourrait-il malgré tout servir de modèle pour l’Europe ? La démarche actuelle de l’UE, est d’associer son approche top down à la nécessité de se lier aux communautés. C’est pourquoi, elle s’engage dans de nombreux projets et notamment dans les actions implémentées par le CoE. Avec SPIRAL, la démarche provient obligatoirement « d’en bas », car ce sont les individus ou autres institutions, qui sont toujours les « lanceurs de projets ». Au regard des résultats dégagés à l’aide de ce travail, pourrait-on envisager de transposer la méthode SPIRAL en dehors du territoire de la Wallonie, tout en préservant son caractère efficace et englobant ? Dans un premier temps, force est de constater que cette approche est une réussite au regard des nombreuses actions, en raison de facteurs internes. La Belgique, est un Etat qui semble être fracturé sur l’échelle nationale, entre deux communautés en conflit permanent (l’absence de consensus politique, avait entraîné il y a quelques temps une vacance du pouvoir politique pendant près d’un an). Cet exemple, démontre un sentiment communautaire fort sur l’échelle régionale, provenant de cette fracture nationale. L’inclusion effective en Wallonie, pourrait-elle se transposer vers un autre niveau territorial plus complexe, comme la Grande Région (qui réunie Lorraine, Sarre et Rhénanie-Palatinat, Luxembourg et Wallonie), par exemple ? Force est de constater que la méthode du CoE fonctionne en Wallonie, car l’effort est réparti entre un ensemble de partenaires indépendants et solidaires. Ce qui doit encore être démontré, réside dans l’étude des liens entre les différentes localités du territoire. La nouvelle démarche du CoE et de la Commission européenne associée au projet Responding Together, permettant aux différents protagonistes des Plans de cohésion sociale de Wallonie d’échanger leurs expériences, va dans ce sens. Nous devons ainsi nous demander si cet effort, serait réalisable dans d’autres pays, avec une lourdeur bureaucratique plus forte et une pratique politique de la répartition des actions moins efficace, comme en France par exemple ? Cette étude, a simplement démontré la possibilité de création de liens sociaux sur un territoire, ayant au préalable une unité administrative, culturelle et linguistique. Rappelons que le CoE n’a pas une fonction centrale dans les relations de pouvoir en Europe. C’est pourquoi, nous pouvons supposer que les raisons majeures, empêchant le développement de la démocratie délibérative, pourraient se trouver ailleurs. Alexis de Tocqueville, éblouit par la démocratie étasunienne alors en construction, nous éclairait en son temps sur les enjeux du pouvoir : « L’homme du peuple qui est appelé au gouvernement de la société conçoit une certaine estime de lui-même. Comme il est alors une puissance, des intelligences très-éclairées se mettent au service de la sienne. On s’adresse sans cesse à lui pour s’en faire un appui, et en cherchant à le tromper de mille manières différentes, on l’éclaire ».

8. Sources secondaires :

Bailo, P. & Meynier, D., 2011. De la solidarité économique et sociale à la cohésion territoriale - ENA, Ecole nationale d’administration ENA., Strasbourg. Bernard, P., 1999. La cohésion sociale : critique dialectique d’un quasi-concept. Lien social et Politiques, (41), p.47. Blondiaux, L., 2008a. Démocratie délibérative vs. démocratie agonistique ?. Le statut du conflit dans les théories et les pratiques de participation contemporaines. Blondiaux, L., 2008b. Le nouvel esprit de la démocratie. Actualité de la démocratie participative, Liens Socio. Bouvier, A., 2007. Démocratie délibérative, démocratie débattante, démocratie participative. Revue européenne des sciences sociales, XLV-136. CoE & Division de la cohésion sociale, 2013. Conférence Responding together, Namur, Belgique. Commission européenne, 2001. Gouvernance européenne, Un livre blanc. Conseil de l’Europe, 2005a. Elaboration concertée des indicateurs Guide méthodologique. Conseil de l’Europe, 2005b. La méthodologie SPIRAL proposée dans le Conseil de l ’Europe. , pp.1–6. Conseil de l’Europe, 2010. Nouvelle stratégie et Plan d’action du Conseil de l'Europe pour la cohésion sociale. Courard, P., 2009. Investir dans les droits sociaux: investir dans la stabilité et le bien-être de la société. , pp.1–5. Diagnostic teritorial de la Wallonie, 2010. Les défis de la cohésion sociale. Diagnostic teritorial de la Wallonie, pp.39–44. DiCS, 2011. Le Plan de cohésion sociale dans les villes et communes de wallonie. Rapport d’activité 2010, Durkheim, E., 1893. De la division du travail social. Durkheim, E., 1897. Le Suicide. Esping-Andersen, G., 1990. The Three Worlds of Welfare Capitalism Princeton . P. U. Press, ed. Fourel, C. & Malochet, G., 2013. Les politiques de cohésion sociale Acteurs et instruments Centre d’analyse stratégique Premier ministre. Galbraith, J.K., 2011. L’art d’ignorer les pauvres, Le Monde diplomatique. Green, A., Janmaat, J.G. & Han, C., 2009. Regimes of Social Cohesion. Guibet Lafaye, C., 2011. Cohésion sociale : théories, méthodes et politiques. In CNRS (Centre Maurice Halbwachs). pp. 1–18. Gutmann, A. & Thompson, D., 2009. Why Deliberative Democracy? Habermas, J., 1992. Droit Et Democratie (Entre Faits Et Normes) Habermas, J., 1989. The Structural Transformation of the Public Sphere An Inquiry into a Category of Bourgeois Society. IWEPS, 2013. Un système intégré de huit indicateurs synthétiques complémentaires au PIB. Working Paper de l ’IWEPS, 10. Jenson, J., 1998. Mapping Social Cohesion: The State of Canadian Research Canadian P. Jouen, M., 2011. La politique européenne de cohésion. Kies, R., 2010. Promises and Limits of Web-deliberation. Koff, H., 2005. Migrant Participation in Local European Democracies : Understanding Social Capital through Social Movement Analysis. , 3, pp.5–28. Koff, H., 2009. Social Cohesion in Europe and the Americas-Power,Time and space. Magnette, P., 2003. European Governance and Civic Participation : Beyond Elitist Citizenship ? , (July 2001), pp.1–17. Magnette, P., 2009. Le régime politique de l’Union européenne, Les Presses de Sciences Po. Muller, P., 1990. Les politiques publiques, Presses Universitaires de France - PUF. Paugam, S., 1991. La disqualification sociale: essai sur la nouvelle pauvreté. Rawls, J., 1993. Justice et démocratie, Éd. du Seuil. Robbe, F. & (Sous la direction de), 2007. La démocratie participative: actes du colloque organisé le 21 octobre 2005, l’Harmattan. Schnapper, D., 2007. Qu’est-ce que l'intégration ? Sennet, R., 1977. The Fall of Public Man. Sintomer, Y. & Talpin, J., 2011. La démocratie participative au-delà de la proximité | Démocratie & Participation. Stiglitz, J, Fitoussi, J-P & Sen, A, 2009. Report by the Commission on the Measurement of Economic Performance and Social Progress. Stiglitz, Joseph, Sen, Amartya & Fitoussi, Jean-Paul, 2009. Richesse des nations et bien-être des individus : performances économiques et progrès social, Odile Jacob. Tocqueville, A. de, 1864. De la démocratie en Amérique, Volume 2, M. Lévy. Young, I.M., 2002. Inclusion and democracy, Oxford University Press.

9. Liens externes :

Site de la Division de la Cohésion sociale du CoE : http://www.coe.int/t/dg3/socialpolicies/socialcohesiondev/default_fr.asp

Site de SPIRAL : https://spiral.cws.coe.int/tiki-index.php?page=La+méthode+proposée+par+le+Conseil+de+l'Europe

Actions pilotes des PCS : https://wikispiral.org/tiki-index.php?page=Approche+ascendante&structure=wikispiral&page_ref_id=244

Site de la DiCS de Wallonie : http://cohesionsociale.wallonie.be/spip/rubrique.php3?id_rubrique=2

10. Remarques :

Cet article est issu de mon mémoire de Master soutenu à l’Université de Luxembourg en juin 2013. Je tiens à remercier mes parents, mes proches, les membres de ma famille, agrandie depuis peu et qui ne saurait encore, tarder à croître. Merci à mes amis, qui me procurent un soutient essentiel, dans cette quête commune du bonheur que devrait être la vie. Merci à mes professeurs et surtout à mes superviseurs, qui ont éclairé ma voie par leurs brillantes idées. Une pensée se dirige naturellement à mes camarades de la promo MEG 2013 et à mes collègues du Lycée franco-allemand de Sarrebruck avec qui, nous avons parcouru un bon bout de chemin ensemble. Je tiens particulièrement, à adresser mes amitiés sincères, aux personnes croisées durant ce projet, à Mme Gilda Farrell, MM. Samuel Thirion, David Rinaldi et Cox Malcolm de la Division de la cohésion sociale du CoE, qui m’ont très chaleureusement accueilli et donné de leur temps ; merci également à tous les Wallons rencontrés durant ce projet, qui grâce à leurs qualités humaines, m’ont grandement aidé. J’aimerais pour finir, adresser une attention toute particulière à Véronique et Gerrit, pour leurs conseils et leur aide précieuse.