Les terrains communautaires
Les terrains communautaires peuvent se mettre en place de nombreuses façon par un achat collectif, une mise à disposition de terrain, la réutilisation d'un espace public ou privé, etc. Cette action coresponsable permet de maintenir l'agriculture locale. Pour illustrer ce type d'action, voici quelques exemples.
Terre de Liens et la Foncière (France)
Terres de Liens est un mouvement en France d’achats citoyens collectifs de terres pour permettre l’installation de famille paysannes produisant de l’agriculture biologique. Après 10 années de fonctionnement, la gouvernance du mouvement de Terre de Liens se réorganise pour articuler et coordonner les actions des différentes structures qui le composent, à savoir:
- 19 associations territoriales
- 1 association nationale
- 1 société foncière en commandite par actions qui possède les terres achetées
- 1 fondation reconnue d’utilité publique qui possède les terres données
- 1 société commanditée (SAS) qui gère l’ensemble
Ces structures bien qu’indépendantes ont dû organiser leur fonctionnement pour avoir des actions cohérentes et répondant à une même stratégie.
Gestion collective de la terre au Larzac (France)
En 1970 le Ministère de la Défense français lance un projet d’extension d’un terrain militaire dans le plateau du Larzac (sud de la France), impliquant l’expulsion par l’achat des terres par l’Etat de plusieurs centaines de familles paysannes vivant de l’élevage de brebis pour le fromage Roquefort. Une résistance s’engage alors pour refuser la vente des terres et empêcher la réalisation de ce projet et prend rapidement une dimension de solidarité nationale notamment par l’achat collectif de terres en des points stratégiques avant que l’armée n’arrive à les acquérir. Elle aboutit à l’abandon du projet en 1981. La question se pose alors de la gestion des quelques 6300 ha de terres achetées par l’Etat. Des modalités ont été imaginées dans la perspective de contribuer au débat sur la constitution des "offices fonciers", une réforme majeure qui finalement n'a pas vu le jour. La terre est restée propriété de l'Etat, qui la met à disposition des habitants par un bail emphytéotique de 60 ans renouvelable. Une structure spécifique a été créée pour gérer ces terres, la Société Civile des Terres du Larzac (SCTL). Ses membres sont des personnes physiques et morales, qui représentent les différents habitants de la région. Les paysans y sont majoritaires. La SCTL décide de la politique de développement à adopter, et privilégie l'installation de nouveaux exploitants plutôt que l'agrandissement des fermes existantes. Elle loue la terre aux producteurs familiaux, par le biais de baux valables pour une durée qui va jusqu'à leur retraite. Elle établit aussi des contrats pour l'usage d'autres biens non agricoles, habitations, droits de chasse, de façon à garder le contrôle de ressources. La SCTL réussit ainsi à combiner sécurisation des producteurs familiaux et gestion collective du territoire par les habitants.
La gestion communautaire des terres agricoles (Vietnam)
On retrouve un principe similaire au Vietnam, mais cette fois-ci au niveau national : Les terres sont propriété de l’Etat et mises à la disposition des communautés locales (villages) qui les gèrent localement en attribuant à chaque famille paysanne un droit d'usage en fonction du nombre de personnes de la famille. Ces attributions se font pour une période de 20 ans pour les cultures annuelles et de 50 ans pour les cultures pérennes (loi foncière de 1993). Ce droit peut être échangé, transféré, loué, mis en gage. La limite des parcelles est de 3 hectares.
Les terrains communautaires (baldios) au Portugal
Les baldios au Portugal (et en Galice) sont des terres (généralement des pâturages et forêts), voire des infrastructures collectives (moulins, fontaines, etc.), possédées et gérées par des communautés locales, c'est-à-dire l’ensemble des habitants d’un territoire donné, correspondant aux frontières d’une commune (« freguesia » au Portugal) ou partie d’une commune. Par usage et coutumes, reconnus par la loi, tout habitant de ce territoire a accès à l’usage et l’usufruit du baldio. Ceux-ci sont débattus et décidés collectivement, suivant un fonctionnement similaire à celui d’une association. Notamment une assemblée annuelle des habitants décide de l’utilisation des terres et de l’affectation de leurs produits, tout en tenant compte des directives publiques en termes d’environnement et gestion des forêts et de la biodiversité. La loi prévoit la protection des baldios contre toute forme d’appropriation privée, les rendant nulles, même dans le cas où le fonctionnement des assemblées annuelles n’est plus assuré. Elle prévoit cependant la possibilité d’une délégation de pouvoirs de gestion à la commune ou à un service de l’Etat spécialisé (services forestiers par exemple) mais avec possibilité de révocation de cette délégation de pouvoirs à tout moment. Elle prévoit aussi la possibilité de cession des droits à une entité ou un membre de la communauté pour une période pouvant aller jusqu’à 20 ans. Le baldios ont ceci de particulier qu’ils sont une forme de propriété collective inédite, non liée à des personnes mais au statut des personnes, à savoir leur statut d’habitant dans le territoire de référence. Tout habitant quittant le territoire n’est plus copropriétaire et ne peut prétendre à quelque forme de compensation pour autant, et tout nouvel habitant est automatiquement copropriétaire sans devoir pour autant s’acquitter de droit d’entrée. En ce sens le statut des baldios est un statut de « propriété de l’humanité » gérée localement, car, juridiquement parlant, tout être humain est potentiellement copropriétaire et peut participer à sa gestion et à son usufruit à partir du moment où il vit dans la communauté.
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